Moulins et scieries étaient installés en nombre tout au long de la vallée où les eaux du Dessoubre étaient utilisées pour leur force motrice. Un atout économique indéniable qui était aussi utilisé à Saint-Hippolyte même pour le travail des peaux qui nécessitait de l'eau claire en grande quantité. Celle-ci se prêtait parfaitement à ce genre d'activité.
Alors ici, jusqu’en 1922, des dizaines d’ouvriers ont travaillé les peaux de bœufs et de vaches en provenance des environs pour en faire des cuirs épais réputés dans tout le pays. Une prestigieuse réputation en grande partie due à l’implication de la famille Briot, propriétaire des lieux sur plusieurs générations. Les cuirs forts travaillés ici, exporté dans toute la France pour équiper l’Armée notamment, ont été primées à Lyon en 1872, et à Paris en 1900 à l’exposition universelle.
Le dur métier de tanneur
Etre tanneur était une activité difficile. Des conditions de travail mêlant odeurs nauséabondes et forte humidité qui nécessitaient du courage de la part de ces hommes qui donnaient aux peaux de bêtes une autre vie en fabricant un cuir encore indispensable à l’époque.
Au XVIIIème, la Franche-Comté comptait plus de 300 tanneurs répertoriés. Des artisans travaillant seuls ou avec quelques employés mais aussi des tanneries plus conséquentes comme à Saint-Hippolyte ou Dôle par exemple. Ce secteur d’activité avait une importance notoire dans la vie économique locale puisqu’en plus de donner du travail aux éleveurs qui leur fournissaient les peaux, les forestiers étaient sollicités pour l’approvisionnement en écorces, de chêne ou d’épicéa principalement, écorces utilisées comme produit tannant dans le long processus qui permettaient de passer de la peau brute au cuit fort utilisé ensuite par le bourrelier ou le cordonnier. Ces cuirs ont beaucoup été utilisés pour équiper les soldats lors de la 1ère guerre mondiale que ce soit pour leurs ceinturons ou leurs célèbres godillots.
Entre l’entrée de la peau dans la tannerie et sa sortie sous forme de cuir, près de deux ans vont s’écouler. Un travail lent, fastidieux et ingrat qui nécessitait des étapes bien précises. D’abord, les peaux arrivaient et devaient être salées si elles n’étaient pas utilisées immédiatement pour éviter tout risque de putréfaction.
Elles étaient alors une première fois passées dans l’eau pour les ramollir avant d’être soigneusement décharner pour éliminer les derniers morceaux de chair et de graisse. Une étape délicate car il fallait éviter d’endommager la peau étendue sur un chevalet ou une pierre inclinée en manipulant un couteau avec deux poignées et une longue lame courbée. Cette tâche effectuée et les peaux à nouveau lavées, ce travail de rivière allait laisser place à la longue phase de tannage végétal.
Le tanin avait une double action sur la peau, à savoir éviter qu’elle ne soit fragilisée lors du séchage et qu’elle ne pourrisse à cause de l’humidité. Les trempages successifs vont en effet durer des mois. Le premier pour la phase de basserie où les peaux sont passées dans plusieurs cuves avec une solution aqueuse pauvre en tanin.
Puis le mois suivant, commence le refaisage dans des cuves en bois ou d’autres enterrées et profondes de trois mètres. Là, empilées les unes sur les autres, les peaux sont recouvertes d’écorce, 30kg environ pour une peau de 100kg. On ajoute également dans la cuve un jus de la même écorce. L’opération de refaisage est répétée deux fois avant le passage en fosse où cette fois, 100 kg de tanin sont utilisés pour 100 kg de peau avec en supplément un jus beaucoup plus concentré. Cette étape dure 3 mois et se répète jusqu’à quatre fois. Ce long processus se termine par un séchage de ce qui devient alors un cuir fort prêt désormais à être travaillé par d’autres artisans.